Vivre entouré de verdure est un vrai plaisir… jusqu’à ce qu’un arbre devienne source de conflit entre voisins. Branches qui dépassent, arbres trop proches des limites : des situations courantes où il vaut mieux connaître ses droits et ses devoirs avant d’agir.
Voici un point complet pour mieux comprendre le cadre légal, les recours possibles et les bonnes pratiques à adopter, afin de préserver à la fois vos relations de voisinage… et vos arbres.
I. CE QUE DIT LA LOI SUR LES ARBRES EN LIMITE DE PROPRIÉTÉ
Des distances de plantation à respecter
L’article 671 du Code civil est clair : lorsqu’un arbre est planté en limite de propriété, certaines distances minimales doivent être respectées.
• 2 mètres de la limite séparative si l’arbre dépasse 2 mètres de hauteur,
• 50 centimètres si l’arbre ou l’arbuste fait moins de 2 mètres.

Ces distances visent à prévenir les conflits entre voisins et à limiter les nuisances potentielles.
Les branches surplombent la propriété voisine ?
L’article 673 du Code civil encadre les cas où les branches dépassent sur la propriété voisine. Le voisin a le droit d’exiger leur coupe, mais n’a pas le droit de les couper lui-même : seule la personne propriétaire de l’arbre (ou un professionnel mandaté) peut intervenir légalement.
Prescription trentenaire : l’exception méconnue
Si les distances légales n’ont pas été respectées à la plantation, le voisin est en droit d’exiger un abattage… sauf si l’arbre est là depuis plus de 30 ans. C’est ce qu’on appelle la prescription trentenaire : au-delà de trois décennies, l’arbre est considéré comme « établi » et ne peut plus être remis en cause.
II. FAIRE APPEL À UN PROFESSIONNEL : UN CHOIX RAISONNABLE
Avant toute intervention, un diagnostic arboricole est essentiel. Il permet d’évaluer la santé de l’arbre, son âge approximatif, sa structure, et d’identifier les risques.
Si l’arbre est jugé dépérissant, dangereux et sans avenir, l’abattage est requis.
Si l’arbre est sain, plusieurs types de taille peuvent être envisagés :
• Taille d’éclaircie : elle consiste à sélectionner, supprimer des branches et rejets à l’intérieur du houppier afin de laisser passer la lumière.
• Taille de réduction : on diminue le volume de l’arbre sur des diamètres raisonnés, tout en conservant la forme naturelle du sujet. Utile pour contenir une croissance excessive sans l’abîmer.
• Taille sanitaire : elle vise à supprimer les branches mortes, malades ou fissurées, permettant ainsi la sécurité.

Un rapport utile en cas de litige
En cas de désaccord avec un voisin ou d’incertitude sur les responsabilités, le rapport rédigé par un arboriste professionnel constitue une pièce solide, reconnue devant un juge ou dans le cadre d’une médiation. C’est un outil de dialogue autant qu’une garantie technique.
III. ENTENTE À L’AMIABLE : ÉVITER LE CONFLIT
Un simple échange entre voisins, éventuellement accompagné d’un professionnel, permet souvent d’apaiser la situation.
Des tailles raisonnées adapter à la situation : la meilleure des alternatives
C’est la solution gagnant-gagnant : le voisin retrouve son confort, l’arbre reste debout, et le conflit est évité.
Un arbre n’est pas juste un obstacle, c’est un être vivant, parfois centenaire, qui apporte ombre, fraîcheur, biodiversité, valeur paysagère… Le supprimer ou le tailler à l’excès peut avoir des conséquences écologiques, esthétiques, voire émotionnelles.
III. JURISPRUDENCE : LA RÉALITÉ DU DROIT FACE AUX ARBRES
Même si les articles du Code civil encadrent très clairement les relations entre voisins en matière d’arbres, les juges disposent d’une marge d’interprétation importante. En pratique, la jurisprudence montre souvent des décisions qui dépassent, affinent, voire contredisent les textes.
Cour de cassation, 11 mai 2022 : le juge clarifie qu’un propriétaire ne peut pas exiger une coupe annuelle systématique des branches au seul prétexte de l’article 673. Ici, un cèdre classé et bénéficiaire d’une servitude (protection spécifique) ne pouvait pas être soumis à une taille régulière imposée.
Tribunal judiciaire de Meaux, 26 août 2024 : des arbres plantés trop près de la limite mitoyenne auraient dû être abattues d’après l’article 671. Mais la cour constate que l’usage local permet cette proximité, et qu’aucun trouble anormal n’était démontré. Résultat : les propriétaires ne sont pas contraints de couper ni d’enlever leurs arbres.
La jurisprudence, c’est la « réalité » du droit. Les décisions judiciaires s’appuient sur des cas concrets, parfois contre la lettre de la loi. Pour éviter des surprises, mieux vaut se fier à un professionnel, documenter soigneusement le dossier, et viser une solution équilibrée (éclaircie ou coupe sanitaire) in fine respectueuse de la loi et du bon sens.
CONCLUSION
Un arbre gênant n’est pas forcément un arbre à abattre. Le droit encadre ces situations, mais il laisse aussi place à l’intelligence collective et au dialogue. Avec l’appui d’un professionnel, il est souvent possible de trouver une solution équilibrée, qui préserve l’arbre tout en respectant chacun.